Au bord de l’océan Atlantique, dans le Finistère sud, la commune de Plouhinec cultive depuis longtemps un amour simple et sincère pour le football. Dans cette bourgade de 4 000 habitants, l’Amicale Sportive Plouhinécoise – ou AS Plouhinec – incarne cette passion populaire, transmise de génération en génération. Cette année, le club fête ses 90 ans. Et pour marquer ce cap symbolique, il ne s’est pas contenté d’un banquet ou d’un discours. Il a choisi de raconter son histoire à travers un objet symbolique : un maillot anniversaire.
Et le résultat a dépassé toutes les attentes.
Une démarche née du terrain
À Plouhinec, on ne compte ni budget démesuré, ni armée de communicants. L’idée du maillot collector est née d’une initiative 100 % interne, portée par les joueurs eux-mêmes. Corentin Pichavant, infirmier de métier, et Dylan Jaffry, électricien, ont mené le projet avec l’envie de rendre hommage à leur club, mais aussi à leur territoire.

Avec l’aide de l’équipementier Hummel et d’un cercle de passionnés, ils ont imaginé deux maillots : une version jaune, en référence au surnom des “Canaris”, et une version noire pour les matchs à l’extérieur. Mais ces tuniques ne sont pas de simples équipements sportifs. Elles ont été conçues comme des pièces de mémoire, ancrées dans l’histoire locale.
Des symboles au service de l’identité
Chaque élément du maillot a été pensé pour raconter quelque chose. La couleur jaune, bien sûr, renvoie à l’histoire du club et à ses premières années. Mais au-delà de cette couleur, ce sont les détails qui font la différence.
On retrouve par exemple un motif de dentelle sur les manches. Ce n’est pas un hasard : il évoque les dentellières qui travaillaient autrefois dans les ateliers de Plouhinec, souvent installés dans des maisons de pêcheurs. Ce clin d'œil à l’histoire sociale de la commune montre comment le club a voulu aller au-delà du simple souvenir sportif.

Autre élément marquant : les hermines bretonnes subtilement intégrées dans le design. Elles rappellent l’appartenance du club à un territoire, la Bretagne, qui chérit ses racines et son identité. Sur la poitrine, le blason du club a lui aussi été retravaillé pour l’occasion, avec un style plus épuré, presque intemporel.
Un projet fédérateur avant tout
Ce maillot n’a pas seulement marqué les esprits par son design. Il a aussi été le point de départ d’un élan collectif. Pour son lancement, le club a organisé un shooting photo dans les rues de la commune, avec des joueurs de toutes les générations, des bénévoles, des supporters, des enfants. L’objectif était simple : montrer que ce maillot appartient à tout le monde, pas seulement à ceux qui jouent le dimanche.
Le jour de l’anniversaire, un match symbolique a réuni anciens et actuels joueurs du club, sous le regard de Gilbert Colin, doyen du club à 90 ans, toujours fidèle au poste. La journée s’est poursuivie par un repas qui a rassemblé plus de 200 personnes, un moment rare de retrouvailles et de transmission.
Une portée bien au-delà de la commune
Ce qui aurait pu rester un événement local a rapidement pris une dimension bien plus grande. Grâce aux réseaux sociaux, à une communication soignée, et à quelques relais médiatiques inattendus, le maillot a été propulsé sur le devant de la scène. Des médias nationaux comme L’Équipe, RMC, ou France Bleu ont relayé l’initiative. Des plateformes spécialisées comme Footpack ou SoccerBible ont salué le design et l’originalité du projet.
Les commandes ont afflué, de la France mais aussi de l’étranger : Portugal, Suisse, Angleterre, Allemagne. Le club, qui avait prévu une série limitée à 90 exemplaires, a rapidement dû ouvrir des précommandes supplémentaires, pour répondre à une demande inattendue. Au total, plus de 250 maillots auraient trouvé preneur.

Un succès qui interroge et inspire
Le cas de l’AS Plouhinec n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une tendance récente où des clubs amateurs, par passion et créativité, réussissent à faire parler d’eux bien au-delà de leur cercle habituel. À l’image de Rocquancourt, autre petit club devenu viral pour ses maillots inspirés du PSG, Plouhinec rappelle que le football peut encore être une histoire de liens, d’identité, de territoire – sans artifice.
Mais ce succès n’est pas qu’une anecdote. Il montre que le foot amateur, trop souvent relégué à l’ombre des projecteurs, peut produire des moments puissants, à condition d’y mettre du cœur et du sens. À travers son maillot, l’AS Plouhinec a su faire le lien entre passé, présent et avenir. Elle a réuni ses anciens, mis en lumière ses bénévoles, valorisé son territoire, et donné une image moderne et engagée d’un club de district.

Et après ?
Le club n’entend pas s’arrêter là. Si l’opération a nécessité un certain investissement (environ 6 500 euros), elle devrait s’équilibrer grâce aux ventes. Mais au-delà de l’aspect financier, c’est surtout la dynamique enclenchée qui compte.
L’AS Plouhinec souhaite désormais relancer sa section féminine, attirer de nouveaux jeunes, et continuer à faire vivre le club comme un lieu de lien social autant que de pratique sportive. Et qui sait ? Peut-être que ce projet inspirera d’autres clubs à raconter leur histoire, avec leurs moyens, leur ton, leur vérité.
Le maillot des 90 ans de l’AS Plouhinec est bien plus qu’un bout de tissu. C’est un manifeste. Celui d’un football de passion, de mémoire, de fierté locale. Celui qui se joue loin des projecteurs mais touche au cœur.
Dans un monde du football souvent dominé par le marketing et les chiffres, Plouhinec a rappelé, le temps d’un anniversaire, que l’essentiel était ailleurs : dans l’amour du maillot, dans le plaisir de se retrouver, et dans la joie de faire quelque chose ensemble.






